L’expression « analyse des pratiques » est une méthode de formation ou de perfectionnement qui est fondée sur l’analyse d’expériences professionnelles récentes ou en cours. Cette pratique s’inscrit avant tout dans une démarche collective. Que l’initiative provienne d’un individu ou de l’organisation, il s’agit dans tous les cas d’un travail collectif.
L’on peut avoir recours à cet outil dans les métiers qui comportent une composante relationnelle prédominante. C’est le cas du secteur éducatif, socio-éducatif, professions de soin, médico-social etc.
L’approche de type Balint
L’analyse de la pratique type Balint est un dispositif original de séminaire de supervision et de réflexion institué par Michaël Balint : un psychiatre et psychanalyste britannique d’origine hongroise. Il est particulièrement connu pour sa théorisation d’un dispositif de formation continue des médecins généralistes, le travail a pour visée de les aider à penser la relation d’aide avec leurs patients. Ce dispositif a une double origine, s’inspirant de l’étude de cas utilisé dans le travail social et du setting psychanalytique.
Devant le succès de ces expériences, ce dispositif s’est étendu à l’ensemble des métiers du domaine social, médical et éducatif, c’est-à-dire des pratiques qui mettent en jeu la relation à l’autre.
L’analyse de la pratique type Balint s’est enrichie des apports d’autres psychanalystes : ceux de Bion dans sa théorie des petits groupes et des résistances à l’apprentissage, de Didier Anzieu et René Kaës dans leurs travaux sur l’écoute et la dynamique des groupes. Elle bénéficie également des réflexions contemporaines concernant la personne au travail, la souffrance psychique qui accompagne l’exclusion sociale, et l’analyse institutionnelle.
Fondement de l’approche de type Balint
« S’interroger sur sa pratique à partir de ce qui émerge consciemment et inconsciemment dans le récit d’une situation professionnelle » tel est l’axe de travail original défini par Balint. Elle permet de questionner à partir de situations professionnelles concrètes à la fois le vécu de chacun des participants, ses perceptions, ses émotions mais également de réfléchir aux enjeux et difficultés inhérentes à la posture et à la pratique professionnelle et d’amorcer des pistes nouvelles dans la rencontre avec le patient, de mieux entendre « ce qui se joue » dans la relation soignant/soigné
Cette méthode de formation ou de perfectionnement à la relation soignant/soigné se base sur le fondement que l’expérience professionnelle est une source capitale de la construction de savoirs. Les professionnels décalant ainsi leur posture, parviennent à mieux prendre soin de leurs patients.
Mise en oeuvre au sein de groupes
Le groupe de type Balint est une réunion périodique prévue, entre professionnels, pour discuter avec un animateur formé à cette fin, de sujets qui préoccupent l’esprit des participants.
Ces réunions sont fondées sur la confidentialité, le non jugement, l’écoute bienveillante, la confiance afin d’assurer la sécurité émotionnelle des participants.
Les GAP de type Balint peuvent rassembler des participants d’une même profession ou être constitués sur la base de l’interdisciplinarité. Un groupe Balint compte de 6 à 10 membres et 1 ou 2 animateurs.
Le déroulement d’une rencontre d’un groupe Balint comporte la présentation d’un cas (de mémoire, sans note ni prise de note) pendant 3 à 5 minutes environ, suivie d’une discussion de 1 heure ou plus. Toutes les discussions du groupe sont confidentielles (comme en psychothérapie) ; on crée un environnement de sécurité propice à l’expression de sentiments négatifs ou difficiles.
Le GAP Balint est transposable au management et aux directions. Il leur permet de se confronter à leur action et à ses conséquences sur le terrain.
La mise en place de GAP type Balint nécessite en amont un travail d’analyse de la demande, avec la Direction, les encadrants comme l(es)’ équipe(s). Cette préparation met à jour, les éventuelles contradictions. Elle établit un cadre d’intervention cohérent et crée un esprit de partenariat et un climat de confiance.
Notons à ce sujet que les GAP type Balint sont un moyen simple et économique de débusquer les risques psychosociaux.
Effets et points forts
Deux principes font la spécificité de ce cadre clinique, en plus d’éléments qu’on retrouve dans d’autres approches d’analyse de pratique :
- La liberté de dire ce qui vient à l’esprit et au corps, même si la pensée qui vient parait « ridicule ». Participants et intervenant fonctionnent par associations d’idées. La circulation d’une parole plus libre permet de recourir à des pistes auxquelles la pensée rationnelle n’aurait pu donner accès.
La pensée à partir de sensations, d’émotions, d’intuitions et d’images est une pensée qui prend en compte le corps. Or nous savons que plus les problématiques des personnes accompagnées sont archaïques, plus le corps des professionnels est mis à contribution ; il reçoit les affects et les émotions brutes, non travaillées. Et si des émotions et des pensées ne sont pas mises sur les sensations qu’éprouvent ces professionnels, leur corps reste un lieu de cristallisation de la souffrance, qui s’exprime par des somatisations fréquentes.
- Le corollaire de la liberté d’association est le principe de dissymétrie : quand l’un parle, les autres écoutent, sans interrompre. Pourquoi ? Parce qu’on occupe une place et une seule, si on occupe toutes les places, on n’en occupe finalement aucune. C’est ainsi qu’un GAP type Balint est en creux un lieu d’apprentissage de l’écoute de l’autre.
La démarche permet au professionnel de s’interroger à plusieurs niveaux, notamment :
- Sur ce qu’il fait et dont il ne parle pas parce que cela ne correspond pas forcément à ce qui est idéalisé ;
- Sur ce qu’il souhaiterait faire et n’arrive pas à faire ;
- Sur ce qu’il fait et aimerait ne pas faire ;
- Sur ce qu’il fait sans vraiment avoir conscience qu’il le fait.
Il en résulte pour chacun et pour le groupe le développement de la responsabilité, en prenant sa part aux difficultés, et rien que sa part.
Le binôme de co-animation d’un groupe Balint a pour rôle de favoriser un climat de sécurité, d’acceptation et de confiance, d’établir et de faire respecter les normes du groupe en laissant chaque membre parler tour à tour et de faciliter le cheminement du groupe pour qu’il saisisse bien le cas du présentateur. Ce rôle exige de bien comprendre la dynamique de groupe et d’utiliser son propre style et sa personnalité pour faire avancer le groupe.
« Le groupe de type Balint est un outil de résilience personnelle et professionnelle ».
M. Roberts, 2012